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En quelques mots

Le projet des Entretiens Albert-Kahn est né de la volonté de Patrick Devedjian, président du Conseil départemental des Hauts-de-Seine, de favoriser une réflexion transversale sur les grandes questions de société, en particulier celles liées à la mondialisation.

Les Entretiens Albert-Kahn proposent :

  • les Entretiens Albert-Kahn, rencontres entre les élus, les agents et les partenaires du Département pour réfléchir de manière décloisonnée et transversale à des sujets de prospective socio-économique et politique; ces conférences sont podcastées et font l'objet de publications ;
  • les Entretiens Albert-Kahn "internes", rencontres destinées aux élus et aux agents du Département pour approfondir des sujets d’innovation managériale ;
  • les Entretiens Albert-Kahn "hors les murs" en partenariat avec des associations ou des institutions en dehors de la Maison Albert-Kahn pour toucher un public plus varié ;
  • les expérimentations en matière d'innovation sociétale (tiers lieux, économie collaborative, renouveau du travail social, agriculture urbaine, évolutions des modes de vie, etc.) qui sont conduites en amont des politiques publiques du Département et lui permettent d'anticiper et de s'adapter aux évolutions de la société.

Une jeunesse dans la tourmente, quels défis pour la prévention ? » : le 24 novembre, les Entretiens Albert-Kahn (EAK) réunissaient autour du président du Département, Georges Siffredi, les acteurs locaux de la prévention pour réfléchir à une action publique partenariale mieux coordonnée, plus lisible et plus efficace.

L’objectif est clair : lutter contre le décrochage scolaire, le harcèlement, les violences urbaines, sensibiliser à l’usage des réseaux sociaux, accompagner les plus vulnérables et les familles monoparentales, faciliter l’orientation et les premières expériences professionnelles, prendre en compte une santé mentale plus fragile, favoriser l’épanouissement de tous les jeunes, de 6 à 25 ans. « Il y a tout juste un an, nous organisions un Entretien Albert-Kahn consacré à la jeunesse, un temps de réflexion utile et catalyseur sur les meilleures manières d’accompagner les jeunes Alto-Séquanais vers le bien-être, la citoyenneté et l’autonomie, a souligné en introduction Georges Siffredi, président du Département. Il a rappelé les actions de la collectivité déjà menées.

Le premier pilier de la prévention, ce sont les médiateurs dans les collèges, les dispositifs éducatifs Prémis et Ermes, les projets culturels et sportifs « vecteurs d’émancipation et de cohésion » auxquels sont associés les jeunes de l’Aide sociale à l’enfance (ASE). Le second pilier, c’est la prévention spécialisée, compétence obligatoire attribuée au Département par le Code de l’action sociale et des familles dans le cadre de la protection de l’enfance, et le partenariat avec les communes via les contrats de villes et les CLSPD (conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance). Affirmant la nécessité d’évoluer désormais vers une réponse multidimensionnelle aux problèmes de la jeunesse, il a annoncé la création d’une direction transversale chargée de bâtir une nouvelle stratégie.

« Un cap clair et un pilotage unifié »

La préfiguration en a été confiée à Olivier Floch, l’actuel adjoint au directeur des actions sportives du Département, qui a présenté les objectifs d’une prévention rénovée : lisibilité, transversalité et partenariats avec les communes, l’Éducation nationale, les services sociaux et médico-sociaux, les associations, la PJJ (Protection judiciaire de la jeunesse). « Il s’agit de mieux prendre en compte leurs attentes pour assurer la complémentarité avec nos dispositifs, a expliqué G. Siffredi. Le Département se dote d’un cap clair et d’un pilotage unifié pour donner à la jeunesse la capacité à se construire un parcours apaisé.

Céline Gateau-Leblanc, directrice générale adjointe du pôle évaluation et audit du Département, a fait l’état des lieux : beaucoup de dispositifs existent mais dans un contexte d’évolution rapide qui met en difficulté la réponse institutionnelle, toutes les directions du Département - solidarités, éducation, sport, culture… – sont traversées par cette thématique, une myriade d’acteurs intervienne et il ressort un besoin de pilotage et de coordination.

Christelle Jouanneau, inspectrice d’académie, a apporté un éclairage via sa mission d’expertise auprès du recteur pour combattre les actes de violence et les atteintes aux valeurs de la République. « Les atteintes à la laïcité ne sont pas massives, mais elles nous touchent, a-t-elle témoigné. Comment développer des compétences socio-civiques ? Enseigner la Shoah ne suffit pas à combattre l’antisémitisme. On emmène les élèves au Parlement européen, etc., c’est bien, mais quelle est la place de l’élève : a-t-il été force de proposition, a-t-il été écouté, a-t-il été entendu ? » Elle met en avant l’expérience d’Erasmus + où il a été demandé aux élèves - âgés de 13 à 15 ans, cent classes dans plusieurs pays européens – de faire des projets et de les porter eux-mêmes : « L’objectif est de rendre intelligible la complexité du monde, de gérer la charge émotionnelle et de se placer sur le plan du “savoir” et non du “croire”. »

Professeur émérité Sorbonne Nouvelle, experte européenne de la désinformation, Divina Frau-Meigs a parlé de son rapport sur la radicalisation des élèves, notamment sur le numérique « qui vient nous percuter » et sur l’importance de l’éducation aux médias. Dans son analyse « des matrices du désordre », elle explique le détournement de la liberté d’expression pour produire discours de haine et apologie du terrorisme : « Face à la radicalisation en ligne, quels sont les contre-discours efficaces, comment démanteler les “fakes”, interroge-t-elle. Les entreprises terroristes formées à la communication produisent massivement des contenus avec de très bons stories stelling avec un but : recruter. Il faut les signaler, jeter le discrédit sur ces sources, s’appuyer sur les acteurs créateurs de contenus de qualité – Drac, médiathèques… -, faire faire du montage aux élèves, développer des jeux en ligne, leur permettre d’identifier les biais. » Elle cite à ce titre les REC, les Rencontres de l’Esprit critique qui convoquent ensemble médias et influenceurs.

Dans la salle, beaucoup de questions fusent : pourrait-on rouvrir les PMI pour des venues sans rendez-vous ? Comment outiller les élus locaux démunis avec des modes d’action devenus inopérants face à la montée du fondamentalisme ? Comment toucher les jeunes de milieux aisés victimes de pratiques addictives qui passent à travers les mailles du filet ?

Rétablir le lien social

La dernière partie des EAK a été consacrée aux témoignages des actions de prévention réussies menées avec les associations IDSU (Insertion Développement Social Urbain) à Châtenay-Malabry et le Clavim (Cultures, Loisirs, Animations de la Ville d'Issy-les-Moulineaux).
Thierry Olive, directeur de cabinet du maire de Châtenay-Malabry, a rappelé l’importance d’allier prévention spécialisée et éducation populaire, d’avoir un opérateur unique et des responsables issus de la diversité et la nécessité de rétablir le lien social entre les habitants des quartiers.

Jérôme Appolaire, directeur prévention et médiation du Clavim, a expliqué le fonctionnement de l’association basé sur un tryptique : animations/loisirs, culture et prévention, avec des séjours pour les jeunes en difficulté pour créer le décalage permettant l’échange. Il a rappelé les enjeux de loyauté, d’auto disqualification et la complexité de l’accompagnement : « comment se plaindre d’une punition injuste quand on est souvent absent à l’école ? Comment porter plainte quand on a été plusieurs fois en garde à vue ? ». Le Clavim propose de nombreux outils : accompagnement individualisé, mesures de responsabilisation, des journées de remédiation pour les élèves en décrochage scolaire, etc.

Neuropsychiatre intervenant au Clavim, le Dr Jean-Marie Lemaire a conclu en présentant sa “clinique de la concertation” qui permet aux jeunes en rupture de « remonter les flux de la force convocatrice » en établissant un socio-génogramme des structures qui s’occupent d’eux – , établissement scolaire, éducateur spécialisé, ASE, PJJ…, ce qui lui permet de se réapproprier son parcours et d’en devenir acteur : « une thérapie contextuelle et familiale, non pas autour, mais avec les familles. »