Face à la complexité (imprévisibilité), personne ne sait avec certitude ce
qu’il faut faire. On doit suivre son intuition et non le consensus (qui ne
peut avoir du sens que dans le simple ou le compliqué). Dans ce cadre de
référence,
la notion de décision collective n’a aucun sens
.
Si la délégation est individuelle, la responsabilité est individuelle. Le
manager doit donc
décider seul
même si la réflexion a été collective. Une
décision ne découle pas d’une réflexion, mais d’une responsabilité liée à
une délégation de pouvoir.
Savoir manager le paradoxe
Comme nous l’avons dit, un manager paradoxal met en œuvre des
méthodes de management dont les caractéristiques s’opposent.
Ces méthodes sont antinomiques, contradictoires. Dans certaines
situations, il est préférable de manager en mode hiérarchique avec du
Command and Control
en fixant des objectifs et contrôlant les résultats.
Dans d’autres situations, il vaut mieux manager l’intelligence collective
avec un savoir-être et un savoir-faire à l’opposé de ce qui fait un bon
manager hiérarchique.
Le management paradoxal permet de répondre à deux questions :
1.
QUAND
doit-on manager l’intelligence collective ? Et inversement,
quand faut-il être en mode
Command and Control
?
2.
POURQUOI
un manager ne perd pas sa légitimité en manageant
l’intelligence collective ?
C’est l’histoire d’un manager…
Notre manager est en mode production et vente au quotidien. Il
traite des sujets simples ou compliqués. Parfois, il se retrouve face
à une page blanche (personne ne sait avec certitude). Il sait faire la
différence entre sujet compliqué et complexe, il va donc décrire ce
sujet dans une boîte à réflexions (équivalent de la boîte à idées mais
pour les situations complexes). Quand il aura du temps, il va sortir ce
sujet de la boîte à réflexions et la traiter avec le processus AXIO (un
processus de management de l’intelligence collective en six étapes).
Durant la mise en œuvre du processus AXIO, il organisera une réunion
de réflexion collective qu’il animera avec la méthode Synergy4 (un
processus d’animation de réunion en cinq étapes). Suite à ce travail, il
prendra puis mettra en œuvre sa décision. Ce sera le temps de retour-
ner à ses activités quotidiennes de production et vente où il traitera
de nouveaux de sujets simples et compliqués. Nous venons d’écrire
l’histoire d’un manager paradoxal.
Cependant, pendant la réunion de réflexion collective, notre manager
est pris d’une angoisse. C’est bien beau de co-construire une décision,
mais ensuite il faudra la mettre en œuvre. D’après ce qu’on lui a dit et
ce qu’il a observé avant d’être lui-même manager, dans une équipe, la
légitimité du manager repose sur sa valeur ajoutée par rapport à ses
collaborateurs. Cette valeur ajoutée repose sur son expertise et son
expérience qui lui donneraient une
capacité de réflexion
supposée
supérieure à celle de ses collaborateurs. Si cette capacité de réflexion
fonde sa légitimité alors le manager va l’ériger en une sorte de
droit
régalien
. Ce droit garantira à l’avenir sa légitimité. La protection de ce
droit consistera donc à interdire ou limiter le plus possible les temps de
réflexion de ses collaborateurs.
Or, la réflexion collective montre clairement que ses collaborateurs
apportent autant voire plus de valeur que lemanager. En position haute
avant la réflexion collective, notre manager est maintenant en position
basse. Il panique : si on discute de la décision alors c’est la porte ouverte
à l’anarchie. Demain, les collaborateurs vont exiger de discuter toutes
les décisions. Cela va créer un précédent. Lamise enœuvre de la décision
sera aussi discutée, voire contestée.
L’intelligence collective est un beau concept, mais dans la pratique, le
manager va perdre son pouvoir, sa crédibilité, son autorité… Si on met la
main dans cet engrenage, on ne va pas y perdre que la main, mais son
statut de manager et finalement se dissoudre dans le collectif.
Parce que l’intelligence collective est perçue comme un danger, le
manager dispose de très peu de méthodes. Il manage à l’intuition
et les réunions tournent parfois au café du commerce. « Qu’en pensez-
vous ? » est vraiment une question TROP simple pour mobiliser l’intel-
ligence collective !
Personne n’explique aux managers pourquoi et en quoi ils ne perdent
pas leur autorité. Donc, ils passent leur tour et ils ont
humainement
raisonde faire ce choix. Pour surmonter ce blocage, nous devons regarder
nos organisations autrement.
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