ENTRETIENS AK - Cahier n° 13 avec couv - page 31

Je voudrais insister sur la question du gain qualitatif et de l’économie : il
ne s’agit en aucun cas de considérer que, dans une maison de retraite,
on va mettre des robots pour faire les toilettes, par exemple. Je pense
que nous y sommes tous radicalement opposés. En revanche, aider avec
des technologies nouvelles les personnels à ne pas se briser le dos, il
faut le promouvoir. De la même manière, nous n’allons pas remplacer
le contact humain, y compris pour les personnes atteintes d’Alzheimer,
cela dit, il existe dorénavant des robots de forme humanoïde ou animale
qui semblent pouvoir améliorer, réduire les troubles du comportement
et améliorer le maintien des capacités cognitives.
Avant de dire rapidement ce que l’ARS essaie de faire dans cet axe-là,
je voudrais insister sur des préconditions pour le déploiement rapide
permettant de passer d’expérimentations multiples à une généralisa-
tion. À rebours peut-être de ce qui a été dit au cours de la matinée, je
pense qu’une certaine normalisation de ces outils technologiques est
nécessaire. Non pas pour ne pas tenir compte des besoins forcément
divers des différentes personnes et des différents contextes, mais
tout simplement parce que cette normalisation est indispensable pour
réduire les coûts (aujourd’hui ces outils coûtent quand même très cher)
et pour permettre l’émergence d’une vraie maintenance. Souvent, ça ne
marche pas très longtemps. Qu’il s’agisse de domotique, de bêtes volets
roulants ou de dispositifs de détection de chute, au bout de six mois ils
nemarchent plus et il n’ya souvent pas grandmondepour venir les réparer.
Et ils ne servent plus à grand chose. Si nous normalisons ces outils, nous
ferons émerger une vraie offre de maintenance. Si l’on compare avec
une automobile, c’est facile de la faire réparer et c’est extrêmement
fiable. Quand j’étais enfant, je voyais tout le temps des voitures avec le
capot ouvert. On n’en voit plus tellement. C’est parce qu’on en a produit
des millions et on a resserré de plus en plus la technologie, et de plus,
il y a des moyens de maintenance très forts. De fait, on peut compter
en permanence sur ces outils. Il faut en arriver au même niveau de
sécurité ; si on veut que ces gérontotechnologies soient réellement
appliquées, il faut qu’elles fonctionnent de manière quasiment perma-
nente. Pour aider à cela, il y aura des questions de normes qui relèvent
de l’État, de règlements techniques, mais ce que peut faire l’Agence
et ce que nous faisons, c’est de systématiser les aides, notamment
dans les établissements pour personnes âgées dépendantes, sur ces
outils technologiques. Par exemple, de subventionner jusqu’à 80 % les
dispositifs qui permettent de détecter les chutes, ou les dispositifs qui
permettent de faciliter les toilettes (des rails). Tous ces dispositifs sont
subventionnés massivement. Il ne s’agit absolument pas de remplacer
le personnel, mais de permettre que la personne puisse concentrer son
action là où l’interaction humaine est la plus utile.

Deuxième exemple, c’est la volonté de généraliser la télémédecine pour
permettre à toutes les personnes enmaison de retraite en Île-de-France
(70 000 personnes aujourd’hui, presque 80 000 en comptant les unités
de soins de longue durée), d’ici la fin de la décennie, de bénéficier de la
télémédecine, c’est-à-dire l’accès à des consultations de spécialistes ou
des consultations des urgences sans se déplacer, dans un objectif de
gain économique (éviter les transports sanitaires), mais surtout faciliter
l’accès effectif à des spécialistes et améliorer la qualité de vie pour
éviter des déplacements inutiles. Cela dit, ces subventions ne suffiront
pas. Tout ne pourra pas être financé par la puissance publique. Je pense
qu’il faut que les assurances, les mutuelles, généralisent et fassent le
préfinancement de ces dispositifs par le biais de petites cotisations
mensuelles demandées aux personnes assurées (toutes les personnes
qui ont des mutuelles et à tous les âges de la vie) pour que, au moment
où le besoin se fera sentir, les personnes puissent réellement bénéficier
de ces progrès technologiques de manière plus solidaire que ce n’est le
cas aujourd’hui, et surtout de manière plus généralisée.

Pour finir sur une note positive qui me semble très importante, parce
que nous avons un système de solidarité développé, parce que nous
avons des filières technologiques dans le domaine des gérontotechno-
logies de très haut niveau, je crois que demain, l’une des manières de
dire que le vieillissement et la protection sociale ne sont pas que des
coûts, c’est qu’ils peuvent devenir de formidables vecteurs d’exportation
vers des pays émergents, Chine, Inde, dans lesquels ces problématiques
du vieillissement se posent aussi et où, aujourd’hui, il n’y a rien en
termes de gérontotechnologies. Là où un pays comme la France peut
sans doute apporter beaucoup, c’est d’abord parce qu’il y a un savoir-
faire technologique, mais aussi parce qu’il y a un savoir-faire social sur
la prise en charge des personnes en perte d’autonomie, et cela peut
devenir un vivier très intéressant d’exportations pour le pays.
Marc Bourquin
Directeur du pôle Médico-social
à l’Agence régionale de santé d’Île-de-France
58
59
1...,21,22,23,24,25,26,27,28,29,30 32,33,34,35,36,37,38,39,40,41,...43
Powered by FlippingBook