L’entreprise Atos a annoncé il y a maintenant quatre ans un programme
majeur qui a, par ses ambitions et son intitulé, connu une couverture
mondiale dans ses retombées médiatiques. Ce programme Zero email™
a comme objectif avoué de libérer du temps utile pour les salariés en
« désengorgeant » les boites mail des contenus qui s’y accumulent
avec une valeur ajoutée minime ; l’autre objectif, probablement plus
signifiant, est d’inscrire résolument l’entreprise, et son mode de
management, dans la dimension collaborative inhérente à l’expansion
des réseaux sociaux. Entreprise naturellement très tournée vers les
technologies, Atos a choisi de repenser son organisation spatiale, et
accessoirement temporelle, dans une configuration qui correspond aux
modes de fonctionnement et habitudes des
digital natives
.
Pour ces générations le mail n’apparaît pas un mode d’échange naturel ;
ayant grandi dans un monde de communication très interactive - chats,
sms, réseaux sociaux divers - les salariés trouvent lemail insuffisamment
spontané, peu ciblé
in fine
et surtout peu propice au travail en groupe
et à la co-construction de solutions. À leurs yeux, le mail est le reflet
d’une logique d’organisation classique où le savoir est détenu par les
échelons supérieurs, où la rétention de l’information est un des élé-
ments constitutifs du pouvoir, où la gestion du temps est dépendante
essentiellement de l’émetteur qui diffuse les éléments dans les délais
qui lui sont propres. Cette structure de communication traduit un mode
de pensée managériale très pyramidal, dans lequel les attentes de
la hiérarchie vis-à-vis de la base sont essentiellement des attentes
d’exécution et finalement assez peu de proposition, voire de création.
Il est donc apparu comme naturel pour Atos de tenter de décloisonner
les modes d’échange et de communication pour mettre un terme aux
dérives des utilisations du médium mail : logiques de pouvoir, de faire-
savoir ou parfois de protection (« ou couverture »).
Le rapport à l’espace et la confiance dans
les ressources individuelles
En s’installant sur un campus pensé pour un nouveau type de mana-
gement, Atos a franchi une première étape dans la redéfinition des
paradigmes managériaux, du rapport aux décisions et au travail en
groupe enmode collaboratif. L’option des plateaux de travail ouverts - sur
lesquels les collaborateurs s’installent en fonction des programmes ou
projets auxquels ils participent – a conduit à une redéfinition dynamique
du rapport à l’espace : celui-ci se reconstitue (ou redéfinit) au gré des
projets sur lesquels les équipes sont appelés à intervenir. Cette
définitiondynamiquedesagrégatsdetravail(modeprojetessentiellement,
approches combinant multidisciplinarité et transversalité) vient elle-
même casser la notion classique des silos opérationnels et fonction-
nels en privilégiant les associations de compétences en fonction des
besoins par rapport aux approches verticales souvent prévalentes qui
impliquent une séquentialité des tâches ou dimensions dans l’approche
d’une problématique. Il s’ensuit que cette organisation de l’espace n’est
concevable qu’en postulant que la hiérarchie classique - qui reste néces-
saire dans bien des dimensions pour assurer le bon fonctionnement de
l’entreprise - soit àmêmedeprivilégier et d’encourager un fonctionnement
dans lequel le contrôle visuel des collaborateurs n’est plus un prérequis
puisque ceux-ci peuvent opérer sur des sites épars et mouvants.
Lamodularitédes équipes, leur fluiditédans les lieuxd’installationoudans
lesmissionsquileursontconfiéesreposentsurunegrandesouplessedans
l’organisation qui elle-même est fondée sur la confiance. Les managers
chez Atos laissent un champ d’action très ouvert à leurs salariés afin
que ceux-ci puissent exprimer au mieux leurs compétences dans le
cadre des missions et tâches qui leurs sont confiées. Le développement
très significatif du télétravail dans l’entreprise atteste largement de
cette confiance postulée dans le sens des responsabilités et le sens de
l’engagement des salariés (près de 18%des collaborateurs enmoyenne
nationale ont des avenants Télétravail à leurs contrats et opèrent sur
une base moyenne proche de deux jours par semaine en télétravail). Les
études conduites auprès desmanagers, comme des salariés (qu’ils soient
ou non en situation de télétravail), font apparaître que la productivité
des équipes n’est en rien impactée par cette organisation du travail
qui « abolit » les contraintes d’espace pour favoriser la recherche des
équilibres entre vie personnelle et vie professionnelle.
La communauté digitale
L’espace déstructuré, qui décloisonne au sens propre comme au figuré
les bâtiments pour favoriser la modularité et donc la mise en commun
des savoirs, est une réponse au souhait de chacun de s’insérer dans des
dimensions collectives et au sein d’équipes orientées vers des objectifs
communs.
Le recours au télétravail, comme d’ailleurs la possibilité d’aménager les
horaires individuels d’arrivée et de départ de l’entreprise, contribuent
à responsabiliser le salarié en lui laissant le libre choix de son mode
d’interaction avec les équipes, et donc de son rapport au groupe. Dans
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