Quand la photographie
réactive l’Histoire
Les Stèles
de Patrick Tournebœuf
Valérie Perlès
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En même temps qu’il aborde la question d’un regard contemporain sur le
fonds des Archives de la Planète, venu du passé, lemusée Albert-Kahn, à
travers son festival de photographies contemporaines « Allers-retours »,
évoque la possibilité de donner une continuité à ce projet dans lemonde
d’aujourd’hui. Les images du temps de Kahn montrent des cultures
« vivantes », sur le point de se transformer concomitamment au phé-
nomène de mondialisation émergeant. Inscrit dans la réalité de son
temps, ce projet d’archivage était conçu dès le départ pour durer,
afin d’être régulièrement alimenté par les générations successives.
Il a brutalement été interrompu par la ruine de son mécène à la suite du
krach boursier de 1929. Autrefois documents d’actualité, les Archives
de la Planète, aujourd’hui amputées de leur dimension diachronique,
constituent désormais uniquement des documents d’histoire. Le
musée a conscience de cette situation paradoxale d’inachèvement qu’il
convient de dépasser. Il apparaît donc important de leur donner une
résonance dans le monde contemporain dans le respect de l’esprit du
fondateur.
L’aventure des Archives de la Planète, conçue il y a près d’un siècle, est
profondément inscrite dans son époque, ses préoccupations, ses utopies…
L’ambition initiale d’un inventaire exhaustif des cultures serait incon-
cevable aujourd’hui. Le découpage sur le réel opéré par la géographie
humaine paraît également daté, d’autant qu’il résulte davantage d’une
série d’opportunités que d’un programme de recherche concerté.
La question de la réactualisation du projet de Kahn à l’aune des problé-
matiques d’aujourd’hui pose en creux celle de l’évolution des sciences
humaines et du rapport de l’Occident aux autres cultures. Lemonde s’est
contracté, les centres de gravité déplacés, les polarités, multipliées.
Les populations, les marchandises, l’information circulent à un rythme