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Un état d’esprit moderne pour les agents publics
Lors d’une réunion récente de la communauté Futurs publics (la commu-
nauté professionnelle de l’innovation dans le secteur public, que nous
animons au SGMAP), un participant a dit cette phrase : «
Finalement,
l’innovation publique, c’est surtout un état d’esprit moderne pour
les agents publics.
» Cette idée me semble assez juste : au-delà des
méthodes, et de ces compétences qui se diffusent aujourd’hui, le point
central de l’innovation publique est bien une question d’état d’esprit.
Et je crois que « moderne » est le bon adjectif pour le qualifier :
il ne s’agit pas de chercher à être en pointe à tout prix, de vouloir
par principe une innovation de rupture ou en avance, mais de toujours
veiller à ce que l’administration avance avec son époque. Ce n’est donc
pas quelque chose de totalement nouveau en ce début de XXI
e
siècle.
Les administrations innovaient déjà régulièrement il y a cent ans. Mais
la puissance des évolutions actuelles nous force à aller plus loin. L’enjeu
est aujourd’hui de passer de la marge au cœur du système public
français : faire de l’innovation un levier central de la modernisation de
nos administrations.
La question du changement d’échelle
Un des sujets les plus importants aujourd’hui au sein de la communauté
de l’innovation publique est celui de cette extension des résultats.
Comment accroître l’impact des innovations qui ont fait leurs preuves
sur un territoire ? Comment en faire bénéficier un plus grand nombre de
personnes ? La diffusion des innovations est ainsi à considérer comme
un levier d’impact social, mais également d’économies. En mutualisant
les solutions efficaces, on peut éviter les redondances de moyens
consacrés localement à « réinventer la roue »…
La question du changement d’échelle est double à nos yeux :
- Comment faire grandir les initiatives qui marchent ?
- Quel rôle pour les acteurs publics sur ce sujet ?
Ces questions sont au cœur de la réflexion que nous avons animée en
2015, au sein de la communauté Futurs publics, avec le Commissariat
général à l’égalité des territoires, et qui a donné lieu au rapport
« Ensemble, accélérons ! »
2
. Cette réflexion est née d’un paradoxe : si
(2) «
Ensemble, accélérons ! Accompagner les acteurs de l’innovation dans leur
changement d’échelle
», rapport, décembre 2015, SGMAP.modernisation.gouv.
fr/le-sgmap
ce besoin de diffusion des innovations semble faire consensus, peu
d’acteurs organisent une réponse effective à celui-ci. Ce rapport repose
sur une conviction : la diffusion standardisée des innovations, par
généralisation (comme le fait une loi, de manière uniforme et sur tout le
territoire), ne suffit pas. Le besoin est aujourd’hui avéré de développer
l’essaimage des innovations, qui se veut une modalité de diffusion plus
souple, pour répondre aux besoins et spécificités de chaque territoire.
À partir d’un travail collectif, qui a mobilisé à la fois des ministères,
des collectivités, d’autres organismes publics, mais également des
associations, des fondations, et d’autres représentants de l’économie
sociale et solidaire, ce rapport présente quatre idées-clés :
- les innovateurs ne sont pas (ou rarement) des « essaimeurs » de leur
innovation : ils manquent de temps, ou de capacité de recul, et il y a
besoin d’un tiers pour extraire le projet de son contexte local et de sa
dépendance au porteur de projet initial ;
- pour diffuser réellement une innovation à grande échelle, il est
nécessaire d’accepter que la diffusion de l’innovation se fasse « en
mode dégradé » : il ne s’agit pas de diffuser la totalité de l’innovation
initiale, mais de se concentrer sur son « cœur du concept » et de laisser
une marge d’adaptation aux sites repreneurs ;
- adopter une démarche de «marketing des innovations », en valorisant
davantage la solution concrète apportée par l’innovation, plutôt que
le processus ayant conduit à sa création, et « l’aventure humaine »
chère aux innovateurs, mais qui est rarement un argument clé pour
convaincre des décideurs d’en reprendre le résultat ;
- les acteurs publics ont un rôle à jouer sur ce sujet (au-delà du simple
appui financier habituel) : en organisant l’essaimage des innovations
sociales (pour lequel l’État pourrait jouer un rôle de « passeur
d’innovations » entre les territoires, avec les collectivités), et en
déployant les innovations publiques au sein des administrations.
Sur ces deux sujets, des outils, des exemples inspirants figurent dans le
rapport à l’usage des acteurs publics. Tous ces ingrédients sont là pour
développer l’innovation dans le secteur public. Ensemble, accélérons !
Benoît Landau
Chef de projet innovation publique
Secrétariat général pour la modernisation
de l’action publique