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les habitudes de consommation ? Faire de l’éducation artistique pour
les jeunes une priorité ? Favoriser la diversité culturelle ? Toutes ces
questions, qui peuvent trouver des éléments de réponse dans ce type
d’expérimentation de terrain, appellent une vision politique forte à
même d’orienter l’action de la puissance publique.
À l’aune de beaucoup de secteurs de l’activité humaine, la vie musicale
est soumise à des blocages de tous ordres – sous couvert de nécessaire
spécialisation – qui paralysent progressivement tout processus de
décision destiné à réformer les modes d’organisation. Elle est compar-
timentée et dispersée. Elle est même formatée par une vision domi-
nante de sa propre histoire, unilatérale et réductrice, qui surexpose
le XIX
e
siècle romantique et marginalise aussi bien la création que la
redécouverte de répertoires plus anciens, si bien que la diffusion actuelle
ne nous fournit plus la capacité d’appréhender les transformations et
de relier entre eux les formes, les courants ou les œuvres.
C’est pourquoi, aux côtés des institutions par nature spécialisées – qui
agissent légitimement dans les domaines de l’enseignement, de la
recherche et de la création – il est important de privilégier l’émergence
sur le territoire national de pôles généralistes ayant pour mission
de redonner un souffle à la vie culturelle locale tout en inscrivant
notre pays dans la compétition internationale, avec comme objectif
premier de rapprocher, réunir, confronter ce que l’ordre social divise :
l’exigenceprofessionnelleauplushaut niveaudialoguant avec lapratique
amateur ; le patrimoine confronté à la création et les formes écrites
aux expressions orales ou improvisées ; la promotion des compositeurs
et des interprètes associée à la transmission, auprès notamment des
jeunes générations.
Laurent Bayle
Directeur général de la Cité de la Musique,
président de la Salle Pleyel
et président de la Philharmonie de Paris