l’accaparement de quelques réutilisateurs initiés limitant ainsi l’effet
« propagation » de la donnée accessible.
Le schéma fondateur de l’Internet est horizontal : tous les acteurs étant
à la fois émetteurs et récepteurs, l’information évolue de manière circu-
laire. À l’heure des médias sociaux et du web participatif, Internet fait
tomber les barrières physiques à la circulation des contenus, l’informa-
tion devenant facilement accessible et abondante. Cette tendance vise
à s’inverser avec la diffusion des pratiques de l’
Open Data
: la compré-
hension et l’interprétation d’un jeu de données nécessitent demultiples
connaissances, non seulement dans le domaine cible (la démographie,
l’économie, etc.), mais aussi en informatique, en statistique, des connais-
sances juridiques... De fait, les plateformes de données publiques
ouvertes sont aujourd’hui en majorité techniques.
Afin de corriger ce biais, la « data-visualisation » permet de visualiser
de façon interactive des données à travers des schémas, des cartes
ou des graphiques. En ce sens, elle constitue une première manière
de rapprocher les données et le citoyen. Les plateformes de données
publiques de certaines collectivités proposent aux utilisateurs d’accé-
der aux données via une interface qui permet demanipuler les données
de façon ludique.
L’initiative récente du Conseil général de Saône-et-Loire nous offre
une perspective intéressante sur cette nécessaire ambition des élus et
des porteurs de projet et des outils à développer pour que l’
Open Data
participe à une reconfiguration des relations gouvernants-citoyens.
En effet, les premières données du portail « Open Data 71 », ouvert le
30 septembre 2011, concernaient les domaines de compétences du
Département (solidarité, enseignement, transports, tourisme...) mais
également les finances publiques), les marches publics, les dépenses
budgétaires, les notes de frais des élus, les subventions accordées
aux associations... Cette volonté de transparence de l’action publique
s’inscrit dans une optique de transformation de la relation du politique
avec les citoyens clairement revendiquée. Le portail « Open Data 71 »
a également été le premier en France à intégrer, outre une interface
présentant les données brutes dédiée aux développeurs, un outil de
visualisation pour permettre à chaque internaute demettre les données
en scène, afin d’obtenir des cartes ou des graphiques (courbes, dia-
grammes en bâtons ou camemberts). Au moment de son lancement,
le portail comprenait également plusieurs applications à visée péda-
gogique, destinées à illustrer comment les données pouvaient être
réutilisées. Autre particularité du projet, un comité d’éthique a été
créé pour conseiller la collectivité sur les données à ouvrir, les formats
21
La double revendication d’un meilleur accès à l’information publique et
d’une plus grande implication des citoyens dans les prises de décisions
qui les concernent trouve un écho - et une accélération – avec le dévelop-
pement des technologies de l’information et de la communication (TIC).
La fluidité des échanges, l’abolition des frontières et la circulation rapide
des idées permises par Internet bouleversent les schémas traditionnels
de diffusion de l’information. L’information n’est plus seulement
« descendante » (de l’émetteur vers le récepteur), elle devient aussi
« ascendante » (ou « diffusante »), tout un chacun ayant la possibilité
de produire du contenu sur la toile. De passifs, les citoyens-usagers
du web sont mis en capacité d’être actifs et de se mobiliser en dehors
des cadres traditionnels, de façon extrêmement rapide. Ces dernières
années, le développement d’Internet et des réseaux sociaux a donné
naissance à de nombreux outils plaçant de plus en plus les gouvernants
et les élus sous « l’observation » des citoyens, et structurant une nou-
velle forme de veille médiatique de l’activité politique.
Un des enjeux primordiaux pour les collectivités consiste à questionner
la relation souvent présentée comme systématique entre l’ouverture
des données publiques et le renforcement des pratiques démocratiques.
S’il semble incontestable que lamise à disposition de données chiffrées
participe d’une meilleure compréhension de l’action publique et permet
d’« égaliser les rapports entre les militants et les administrations
14
»,
nous constatons que, pour qu’il agisse comme vecteur d’un potentiel
pouvoir d’agir, l’
Open Data
nécessite un dialogue permanent entre pro-
ducteurs, collectivités et administrés.
Ces nouveaux outils soulèvent également des questions quant à la
nécessité de se doter d’une politique globale assurant à la fois une
modernisation des services, la participation des citoyens via des dispo-
sitifs en ligne et le développement de l’économie numérique.
Ouverture des données et appropriation
citoyenne
Aujourd’hui, force est de reconnaître que l’ouverture des données
publiques, bien qu’étant le fruit d’une forte mobilisation des agents
des collectivités, n’atteint pas le « grand public » relativement peu
sensible et sensibilisé à cette thématique. Le risque réside alors dans
20
(14)SamuelGoëta,ClémentMabi,«L’opendatapeut-il(encore)servirlescitoyens?»,
in
Revue
Mouvements
n° 79 « (Contre-) pouvoirs du numérique ».