pas en mesure de percevoir à l’heure actuelle tous les impacts qu’aura
l’ouverture des données publiques, car elle s’inscrit dans une dynamique
plus large de transformation digitale des organisations et de la société,
augurant de nouveaux enjeux politiques. Une chose est cependant
certaine : les décideurs publics doivent prendre la mesure de cette évo-
lution afin de pouvoir l’appréhender de façon globale, se préparer aux
changements qu’elle implique et les accompagner.
Grégoire Mages
Animateur de l’Observatoire de l’
Open Data
et de la concertation à Décider ensemble
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façons de travailler vers plus de transversalité, ils doivent changer de
paradigme pour passer en « mode collaboratif ». Ainsi, un défi majeur
pour l’administration est de parvenir à changer la façon dont elle s’orga-
nise et opère en pensant l’ouverture des données publiques comme une
« ingénierie de projet » et en anticipant sa mise en œuvre. La ville de
Montpellier fait figure d’exemple afin de comprendre cette nécessité.
Le portail
Open Data
de la ville est l’un des mieux documentés, si l’on
considère la richesse des formats, la structuration des données et la
qualité des thématiques. En particulier, le portail permet d’accéder à
un nombre conséquent de données internes, c’est-à-dire relatives au
fonctionnement de la collectivité (budgets, finances de la collectivité,
subventions accordées, données des ressources humaines « anony-
misées » par exemple). En outre, les élus et la direction générale ont
affirmé leur soutien à la démarche d’ouverture des données. Pourtant,
l’hétérogénéité de ces informations n’est ni pérenne, ni automatique.
Au-delà des déclarations d’intention, la transmission des informations
par les divers services ne s’inscrit pas dans les routines administratives
ou dans les pratiques des agents. Ainsi, lamise à disposition de données
relatives au taux d’absentéisme des agents a été possible à partir de
l’accord noué entre la direction des ressources humaines et le chef de
projet
Open Data
. Le changement de personnel au sein de cette direction
a impliqué que l’accord soit rediscuté et à ce jour, la « fraîcheur » et la
qualité des données ne sont plus assurées.
Force est de reconnaître que la charge de travail associée à la vérification
et à la mise à jour des données peut décourager, et que le travail des
administrations peut être discrédité. Ainsi se profile une autre interro-
gation : celle des risques politiques éventuels associés à la transparence
permise par l’ouverture des données publiques. Car les promesses
démocratiques de l’ouverture des données publiques ne pourront se
réaliser qu’à condition que se mette en place une dynamique vertueuse
et rassurante pour chacun : stimulation de l’appropriation de cette
évolution par le plus grand nombre, changement de paradigme vers
une culture de la gouvernance ouverte au sein des administrations
comme chez les élus... Enjeu stratégique pour les administrations,
l’ouverture des données publiques doit nécessairement s’inscrire dans
une démarche globale. Les débats et interrogations actuels semblent
signifier que ce concept, d’origine anglo-saxonne, se trouve à une étape
complexe et décisive : sa mise en œuvre dans le cadre de notre culture
politique française. C’est aussi de l’aptitude des mouvements citoyens
à se saisir de ses opportunités pour exercer ou revendiquer une activité
plus participative et pour faire progresser cette dynamique d’approfon-
dissement de la démocratie que dépendra son avenir. Nous ne sommes
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