loppement des liens entre le virtuel et le présenciel. Une communauté
doit se rencontrer dans le monde réel pour développer des affinités (ou
des « amorces de »), qui catalyseront l’engagement. Les événements
physiques (ateliers, tables rondes, conférences, événements, happenings,
etc.) sont autant de points d’ancrage du processus de mobilisation
digitale dans l’interpersonnel et le tangible. Le phasage dans le temps
de ces croisements est un facteur clé de succès. Très peu de retours
d’expérience permettent aujourd’hui d’en établir les règles.
Le futur de la participation citoyenne sera aussi consacré par le passage
de l’
Open Data
à l’
Open Knowledge
. La
donnée
est un vocabulaire peu
naturel pour le grand public, pour qui le mode d’expression est l’infor-
mation tacite, informelle. Il est donc nécessaire d’ouvrir le champ de la
contribution citoyenne à du contenu textuel et narratif, lequel constitue
l’expression quotidienne, vernaculaire en somme, des groupes humains.
Le web demeure un outil rigide. Les usages qu’il permet sont encadrés
par des contraintes strictes de fonctionnalités et d’interfaces. Il ne faut
donc pas s’étonner que l’immense majorité des applications et des
plateformes développées jusqu’à présent dans un souci demobilisation
citoyenne correspondent à des applications « mono-fonctionnelles »
dont les scénarios d’usage sont très restrictifs : votes, plateformes
de questions – réponses, signatures de pétitions en ligne, « boîte à
idées », etc. Il en résulte une fragmentation de l’expérience usager qui
n’incite pas à la participation à grande échelle. Très rapidement, un site
de vote en ligne génère la frustration de ne pas traiter des discussions
sous-jacentes ou de ne pas offrir le centre de ressources documentaires
virtuel qui permettrait au citoyen de se renseigner avant de s’engager
pour ou contre telle ou telle orientation. En l’absence d’une plateforme
minimalement polyvalente, susceptible d’intégrer plusieurs scénarios
d’usages (c’est-à-dire plusieurs
propositions de valeur
), le citoyen tend
à considérer que sa contribution est encadrée par un
call to action
réducteur. Les faibles taux structurels d’engagement en ligne (1 % de
proactifs, 10%de réactifs dans un groupe classique) jouent alors contre
une mobilisation de masse.
C’est dans ce contextequedoit se jouer l’
aggiornamento
desmécanismes
numériques de participation citoyenne. Il présuppose l’émergence de
plateformes intégrées, multifonctionnelles, ou a minima de plate-
formes-centres agrégeant différentes applications périphériques
« inter-opérables » (plateformes conçues pour opérer avec une multi-
plicité d’applications externes). Il implique également l’avènement de
rôles à inventer pour faciliter l’engagement et la contribution en ligne.
Le vocabulaire duweb s’est enrichi de termes qui deviendront progressi-
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production dominant des plateformes numériques.
Build it and they will
come
, dit l’adage anglo-saxon. On sait depuis longtemps dans l’histoire
d’Internet que cette posture est un leurre. L’échange en ligne s’organise,
se structure, se séquence, s’anime. Ses travailleurs de l’ombre sont des
gestionnaires de communautés, des animateurs demédias sociaux, des
modérateurs de la participation, des curateurs de contenus, autant de
métiers composant la ligne d’horizon professionnelle du digital. Le web
collectif exige en effet une maçonnerie méthodologique et un véritable
coaching proactif.
Autre ligne de faille, et bien-nommée en l’occurrence, celle de la fracture
numérique : l’accent mis sur les données (
Open Data
, Internet des
objets...) a probablement entretenu une forme d’incompréhension, ou a
minima de perplexité, dans le grand public, scepticisme dont témoigne
la faible appropriation de l’
Open Data
par la population. Propager le
phénomène requiert l’émergence d’un véritable
middleground
, cet
espace de structuration des nécessaires passerelles entre les données
publiques numériques et le monde analogique de la société civile :
organisateurs d’événements (formels ou informels), gestionnaires de
tiers-lieux, animateurs du tissu associatif, développeurs économiques,
agents d’artistes ou de talents créatifs, gestionnaires de ligues, clubs et
autres communautés de pratiques, journalistes et médias spécialisés,
sociologues, blogueurs et facilitateurs de la créativité, etc. Bref,
sans
exosquelette, l’intelligence collective est un ventre mou
. Ou alors, elle
se contente de faire ce qu’elle a toujours su plus ou moins bien faire :
mobiliser des intelligences individuelles qui ne se combinent pas entre
elles, qui ne créent pas un tout supérieur à la somme des parties.
Ultime point de fragilité : le faible niveau d’engagement des com-
munautés. Toutes les meilleures intentions du monde se heurtent
rapidement à l’absence de mécanismes convaincants de mobilisation
des citoyens. Au premier rang desquels figure l’encouragement à la
participation via l’assurance d’une connexion forte au Politique. Sans
perspective de « transformation » institutionnelle de l’implication
citoyenne au travers d’une prise en compte réelle des contributions
par les décideurs ou les
policy-makers
, les initiatives de e-consultation
resteront pour l’essentiel lettres mortes.
L’avenir de la participation citoyenne
L’engagement citoyen par le numérique passera par la conjonction de
facteurs essentiellement méthodologiques. En premier lieu, le déve-
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