Cahier numéro 6 - page 38-39

Enmars 2012, alors que la Tunisie était en pleine révolution et avant que
les islamistes ne prennent le pouvoir, nous avons présenté
Rayahzone
,
une rencontre imaginée par les frères Thabet avec quatre extraordinaires
chanteurs tunisiens. Il s’agissait non seulement de rendre un hommage
vibrant à la fraternité mais aussi de donner l’image d’un islam tolérant
grâce au texte et à la musique. Cette production du seul Théâtre Jean
Vilar de Suresnes, a connu un très grand succès, non seulement en
France, avec un passage à Paris au musée des Arts premiers, mais aussi
à l’étranger : Rome, Luxembourg, Athènes, Casablanca, Jérusalem et
Ramallah.
Enfin, après avoir assisté à la Comédie-Française à un hommage à
Catherine Samie en janvier 2007 et avoir découvert l’immense talent
de Guillaume Gallienne, sociétaire de la Comédie-Française, que je
connaissais à peine, je lui ai proposé de jouer seul en scène au Théâtre
de l’Ouest Parisien de Boulogne-Billancourt en lui donnant carte blanche
sur le choix du texte. Il a accepté avec enthousiasme et a décidé de partir
de sa propre histoire, de ce chemin douloureux parcouru pour trouver
son identité, pour s’émanciper de sa mère et des autres, de tous ceux
qui avaient décidé qu’il était homosexuel. Cela a donné le spectacle
Les garçons et Guillaume, à table !
créé en mars 2008 à Boulogne pour
une série de représentations qui ont connu un très grand succès public.
Après une tournée à travers la France en 2009, et deux passages à
guichet fermé au Théâtre de l’Athénée en 2010, cette extraordinaire
aventure se poursuit avec le film tiré du spectacle, qui est sorti en
novembre 2013, après avoir été ovationné au festival de Cannes et avoir
reçu le grand prix du festival d’Angoulême. Je trouve ce film très bou-
leversant, car il infuse lentement dans nos têtes la nécessité absolue
d’aimer et de se comprendre. Le film va toucher au cœur de nombreux
spectateurs en France et dans le monde entier. Il soignera sans doute
beaucoupdeblessures et donnera courageet espoir à ceuxqui se sentent
incompris parce qu’ils sont différents.
En conclusion
J’ai la conviction profonde qu’il n’y a pas d’avenir pour notre société si
nous ne plaçons pas au cœur de nos préoccupations la nécessité vitale
de donner aux artistes les plus talentueux et les plus prometteurs les
moyens de s’exprimer librement et dans des conditions profession-
nelles.
Les artistes n’ont pas pour première vocation d’accroître le bien-être
social. Leur préoccupation n’est pas là, elle réside dans la capacité à être.
C’est dans ce sens que leur travail, leurs prestations, leurs créations,
leurs œuvres tendent à une plus grande compréhension mutuelle.
Les artistes sont des veilleurs, des guetteurs, les témoins privilégiés,
les acteurs attentifs, les messagers de la force et de la complexité du
monde qui nous entoure.
Reliés au monde invisible, ils incarnent le mieux ce qu’il y a de meilleur
dans tout humain, non pour l’avoir mais pour l’être, être tout simplement,
être plus conscients, être plus courageux, être plus joyeux, être plus
soucieux de vérité. Ce qui facilite notre rapport à nous-mêmes, à l’autre,
et donc notre capacité à vivre ensemble.
Les dirigeants ont une grande responsabilité dans l’avenir de notre
société. Responsables économiques, politiques ou culturels, ils doivent
être des exemples, les porteurs d’une vision. Cette grande responsabilité
de créer le contexte dans lequel le vivre-ensemble peut être possible.
C’est une charge et un honneur.
La culture est finalement très bon marché si l’on considère qu’elle est
absolument vitale pour nous et nos enfants !
Olivier Meyer
Directeur du Théâtre Jean Vilar
à Suresnes
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