Cahier numéro 10 - page 14-15

À l’heure où le numérique efface les distances au profit d’une intercon-
nexion multiple entre individus et organisations aux quatre coins de la
planète, la transformation qu’il opère sur les territoires attire paradoxa-
lement une attention croissante.
Les notions de partage, de proximité,
de lien social, de communautés reviennent au galop dans l’imaginaire
citoyen, ainsi que dans celui des entreprises et pouvoirs publics : «
local
is the new global
». Ou plutôt devrait-on dire «
glocal
», soit le local mis
en réseau à l’échelle du globe.
Tout se passe comme si les villes et territoires reprenaient leurs droits
dans toute leur dimension physique et locale, après une décennie où
le numérique a occupé le devant de la scène, à tel point que même les
tenants de la théorie de la robotisation et de la singularité les remettent
au centre de leurs anticipations. Le développement sans précédent des
rencontres citoyennes, les cafés associatifs, les espaces de
coworking
et les tiers-lieux rappellent qu’à l’heure du numérique, l’interaction
physique n’a jamais été aussi importante.
Smart City, Eco-City, Sharing City, Fab City
… La multiplication des
termes et des concepts censés promouvoir, au choix, la diffusion sur
les territoires des usages numériques, leurs objectifs de développe-
ment économique ou de résilience sociale et environnementale (ou,
le plus souvent, tout à la fois), s’inscrit pleinement dans cette mou-
vance. Il n’est pas lieu ici de revenir sur la définition de ces différents
concepts, d’autant qu’ils sont hautement perméables les uns aux
autres. Nous avons choisi dans cet essai de parler de « territoires col-
laboratifs » sans chercher toutefois à en faire une définition normative
et figée.
En première approche, nous les définirons comme des territoires qui
accueillent et font fructifier les usages, projets, espaces et outils issus
de l’économie collaborative au service du développement de territoires
prospères, horizontaux et ouverts. Pour le dire plus simplement, nous
souhaitons mettre la culture collaborative au service des citoyens,
pouvoirs publics et projets les plus divers pour répondre aux questions
suivantes : dans quel territoire souhaitons-nous vivre collectivement
demain ? Comment le repenser comme le lieu où les intérêts de tous
et les aspirations de chacun s’épanouissent à travers des modes de vie
en accord avec nos ressources ? Quelles sont les clés pour construire
un territoire collaboratif en s’inspirant de ce qui a déjà été fait dans le
monde - et souvent avec succès - tout en respectant les particularités
culturelles, politiques et sociales du sien propre ?
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Ces questionnements ne sont pas innocents à l’heure où la crise éco-
nomique a, semble-t-il, plongé les pays occidentaux dans une morosité
caractérisée par une absence apparente de toute perspective d’amélio-
ration économique et sociale. Les approches globales, «
top-down
» ou
encore techno-centrées
1
, qui ne tiennent guère compte ni des particu-
larités historiques et culturelles de chaque territoire ni de la volonté de
ceux qui y vivent, se sont confrontées à unmur de désapprobation, alors
même que leur efficacité n’a aucunement été démontrée. Peut-être la
raison en est-elle que les logiques coopératives et ouvertes s’insèrent
trèsmal dans les actions globales et sont entièrement déconnectées de
la réalité des initiatives et projets conduits sur le territoire. La collabo-
ration entre gouvernants et citoyens, entre institutions et entreprises,
entre financeurs et demandeurs de fonds paraît plus forte au niveau
local.
C’est également un des aspects des territoires : au niveau local,
c’est là où les logiques de collaboration entre les différents acteurs se
développent avec le plus de fluidité et d’efficacité.
Cette contribution tenterad’articuler les réponses à ces questionnements
au travers de trois axes thématiques. D’abord, il nous faudra comprendre
ce que recouvre l’idée de territoire collaboratif. Nous articulerons cette
première partie autour des trois composantes thématiques : le territoire
en partage, le territoire productif et le territoire en communs. Ensuite,
nous chercherons à comprendre comment les villes et territoires sont
parvenus à articuler les différents niveaux d’action, citoyen, privé,
institutionnel, associatif, etc. Nous conclurons par des
recommandations
à destination des pouvoirs publics sur la base d’enseignements tirés de
l’expérience et des concepts issus de l’économie collaborative.
L’objectif est ici moins de rentrer dans les explications théoriques
extensives que de donner les clés et leviers d’action pour une action
concrète, à tous les niveaux sur un territoire donné.
Qu’est-ce qu’un territoire collaboratif ?
Avant de définir précisément les composantes d’un territoire collabo-
ratif, il convient d’expliciter ce que recouvre l’économie collaborative,
(1)Nousentendonsparapproche«techno-centrée»touteslesthéoriesquiestiment
que le technologique seul peut résoudre une grande partie des problèmes et qui
considèrent que la technologie est une fin en soi.
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