Cahier numéro 10 - page 16-17

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et de poser les prémisses transversales qui nous guideront à travers le
raisonnement. Au sein du collectif OuiShare, nous la désignons comme
étant
l’ensemble des pratiques et des modèles économiques basés sur
des structures horizontales et la participation (oumieux, la contribution
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)
d’une communauté
.
Tout d’abord, il convient de garder à l’esprit que si le numérique est
un facteur essentiel pour le développement du territoire collaboratif,
il ne suffit pas à insuffler les dimensions sociale et culturelle qui sont
le propre des territoires collaboratifs
. En d’autres termes, les terri-
toires collaboratifs supposent l’existence d’une certaine vision sociale
ou même un choix politique, que ce soit de la part des mouvements
citoyens ou des pouvoirs publics, et qui sont irréductibles au seul numé-
rique. La responsabilité en dernier ressort repose sur les acteurs en chair
et en os, comme cela a toujours été le cas. Certes, il convient de recon-
naître que l’accélération des transformations numériques, économiques
et sociales, prend de court les acteurs publics et les entreprises établies
encore plus que dans le passé. Pour autant, loin d’être une raison de se
désengager et de laisser faire, c’est une raison de plus pour avoir une
stratégie cohérente, coopérative et concertée. Citoyens, organisations
et institutions sont les nœuds actifs de cette stratégie.
En second lieu, l’enrichissement et la complexification de l’espace
numérique trouvent dans le territoire physique délimité et la notion de
« communauté » un terrain d’application particulièrement fertile
. À titre
d’exemple, la géolocalisation via les smartphones, un des outils clés des
territoires collaboratifs, est bien plus utile pour localiser son voisin dans
le quartier qu’un étranger à l’autre bout de la planète ! L’émergence du
territoire comme unité et terrain de jeu du développement de nouveaux
types d’organisation est ainsi fondée sur la rencontre des nouveaux
outils numériques et de la recherche de solutions aux enjeux nouveaux
ou hérités du passé, autrement dit, l’innovation sociale. C’est au sein de
« communautés » que la jonction entre numérique et local trouve son
optimum, ce qui fait de la notion de communauté le seul levier « univer-
sel », c’est-à-dire celui utilisé dans la quasi-totalité des initiatives de
territoires collaboratifs. Toutes les illustrations qui suivent montrent
directement ou indirectement sur quelle base et comment les commu-
nautés sont bâties et animées.
Enfin, bien que ce soit un sujet qui dépasse nos limites thématiques,
il convient de souligner
l’importance de tenir compte des tensions
et imperfections structurelles de l’économie du partage, et qui ont
récemment trouvé de plus en plus d’écho médiatique auprès de ses
plus fervents détracteurs
. En effet, il est reproché à certains services
de l’économie du partage d’opérer en dehors des cadres réglementaires,
voire d’enfreindre les lois en vigueur, d’être en concurrence déloyale
avec les secteurs traditionnels fortement réglementés, de capter une
très large part de la valeur coproduite avec ses usagers et, enfin, d’être
le fossoyeur du plein emploi et des modèles de protection sociale. Ces
préoccupations légitimes soulignent à nouveau à quel point ces nou-
veaux usages, s’ils portent en eux de nombreuses promesses, néces-
sitent d’être pris en considération dans leur impact systémique, et ne
peuvent être détachés d’une action concertée à tous les niveaux. Face
à la révolution des usages, il est en effet crucial d’embarquer l’ensemble
des parties prenantes (citoyens, entreprises, institutions, pouvoirs
publics, etc.) pour refonder des institutions et une gouvernance qui
canalisent les risques d’affrontement et d’inégalité tout en posant les
bases garantissant un partage équitable de la valeur.
Celaétantposé,nousproposonsdequalifierunterritoirede«collaboratif»
lorsqu’il intègre les trois logiques suivantes dans une configuration qui
est adaptée aux objectifs poursuivis et au contexte socio-économique,
chacune correspondant à un ou plusieurs domaines de l’économie
collaborative :
- territoire en partage ;
- territoire productif ;
- territoire en communs.
Il est bien entendu qu’il n’y a ni combinaison idéale ni obligation
d’intégrer la totalité des services et initiatives de chacune de ces trois
logiques : il n’y existe pas de territoire collaboratif idéal.
Les territoires en partage : le territoire comme
plateforme
Les territoires en partage sont le terrain de jeu de la consommation
collaborative, aussi communément appelée « économie du partage ».
C’est aujourd’hui la composante la plus largement connue et répandue
dans les villes et sur les territoires dans le monde entier, grâce au
développement simultané de systèmes locaux (voire hyper-locaux) et
de plateformes globales, lesquelles se développent très rapidement
(2) Voir Bernard Stiegler, du collaboratif au contributif :
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bernard-stiegler-du-collaboratif-au-contributif-vers-le-3eme-web/
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