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suffit, à cet égard, de « surfer » sur quelques « listes de diffusion » de
telle association universitaire ou de telle tribu sexuelle pour mesurer
l’ampleur du mimétisme.
Les « lois de l’imitation » à l’œuvre dans les cas que l’on vient de
citer, reposent sur la force de contagion de l’affect. C’est a priori et
sans fondement réflexif que l’on agit et pense de telle ou tellemanière,
que l’on va promulguer des appréciations à l’emporte-pièce, etmettre en
œuvre des processus inquisitoriaux. Mais c’est, également, en fonction
d’un tel sentiment d’appartenance que l’on va participer à telle action
caritative, vibrer à telle émotion collective et s’investir dans des formes
concrètes de solidarité ou de générosité quotidiennes.
Sentiment d’appartenance, rapport d’appartenance ! Cette intrusion
de l’affect, faisant d’une solidarité mécanique une réelle
solidarité
organique
, participe de la structure initiatique. On ne juge pas : on suit
sesmaîtres. On n’exerce pas son esprit critique : mais on cherche à appro-
fondir l’ordre des choses. On ne définit point, d’une manière ergoteuse,
les « appareils idéologiques d’État », selon le patois des années 60 :
mais on établit des analogies, on use de la métaphore. C’est-à-dire que
d’une manière poétique, on suit à la trace un « Réel » complexe, labile
et tout en dynamisme existentiel. Éventuellement, et d’une manière
impulsive, on « s’indigne » collectivement. Le plus souvent on tente
de s’ajuster au monde tel qu’il est, et ce afin d’en tirer le meilleur pour
soi et pour la tribu à laquelle on participe. La syntonie avec le monde
et avec les autres est bien le dénominateur commun à toutes les expé-
riences vécues. Tout cela renvoie aux sous-sols de l’être-social et aux
fermentations inconscientes qu’ils nemanquent pas de provoquer. D’où
la nécessité, à l’encontre du savoir dominant, celui des «mécaniciens »
fonctionnalistes, d’élaborer une
pensée de l’organique
étant en accord
avec le
vitalisme
qui sourd par tous les pores du corps social.
Ainsi que le rappelait Proust, « on devient moral quand on est mal-
heureux » ! Or, ce que l’on peut empiriquement observer c’est bien la
reviviscence d’un hédonisme généralisé. Ce qui nemanque pas d’irriter
les esprits chagrins préférant fulminer des analyses catastrophistes.
Mais cet hédonisme est là, expression populaire de
l’a
ppetitus
, cette
appétence vitale dont certains bons esprits vont montrer la perdurance
et la vigueur renouvelée. Le culte du corps, le plaisir de consommer, de
jouir des biens de ce monde et de s’attacher au présent sont souvent