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« corps mystique » de la théologie catholique, le « corps subtil »
des traditions orientales, l’égrégore de la symbolique franc-maçonne,
toute choses dépassant le corps anatomique, et fondant un rapport
d’appartenance, « écosophique », entre le Moi et l’altérité du monde
et des autres. En quelque sorte une érotique élargie et généralisée.
Au travers de l’expression « écosophie sensible », il s’agit de rendre
attentif à cet irréfragable vitalisme dont lesmanifestations sont légion.
Vitalité qui au-delà de l’utilitarisme, souligne l’importance du prix des
choses sans prix : le luxe comme luxation du fonctionnalismemoderne,
comme expression inconsciente d’une culture de l’instinct n’acceptant
plus d’être réduite à une civilisation rationaliste. Or, il se trouve que
c’est la recherche de la « belle vie », d’un « plus-être » plus qu’un simple
« bien-être » qui se fait jour dans une
socialité spontanée outrepassant
les limites d’une sociabilité raisonneuse
.
Cette spontanéité de la vie et du « système » vitaliste qui peu à peu se
développe, s’exprime dans le souci de faire de l’existence une œuvre
d’art au quotidien. On peut, également, en mesurer les effets dans le
rôle accru accordé à l’imagination, et ce dans tous les domaines de la
vie sociale. Sans oublier l’exacerbation des sentiments promouvant
tous ces enthousiasmes : politiques, sociaux, caritatifs, religieux,
musicaux, sportifs etc., où les passions, ou tout simplement les humeurs
prennent la place du raisonnement, voire de l’entendement dans la
compréhension du « Réel » social.
En comprenant ce terme en son sens fort, il s’agit là de ce que Comte
appelait la «
culture sympathique
» propre au genre humain et
assurant sa« régénérationmorale». Il s’agit làd’une reconnaissancede la
« prépondérance du sentiment » pouvant préserver la dissolution d’un
social dominé par la simple raison. Écosophie, redonnant aux sentiments
une place de premier plan dans l’architectonique de la vie sociale.
Michel Maffesoli
Institut universitaire de France
Professeur à la Sorbonne
Administrateur du CNRS