Cahier numéro 1 - page 17

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se mettre intuitivement à la place de l’autre parce que l’on éprouve
des sentiments communs, ou pour percevoir les conséquences d’une
telle réversibilité.
Ce que fait bien ressortir l’empathie c’est que Éros, en tant qu’ensemble
des pulsions de vie, me pousse à être décentré par rapport à moi-
même. Dans
Le Banquet
, Platonmontre que l’Amour reconnaît son état
d’indigence : l’autre est nécessaire. En bref, la perfection n’est pas
dans le Moi, mais dans le Nous. Pour exprimer autrement, on peut
rappeler la position, si raisonnable, du philosophe Alain, soulignant qu’à
l’encontre du « contractualisme », la société est fondée sur l’amitié ou
les sentiments divers. Et qu’elle est, en ce sens, une « extension de la
famille ». Ce familialismemétaphysique est bien la cause et l’effet de ce
mouvement d’aimantation présidant, pour une bonne part, aux relations
sociales dont le substrat, avoué ou non, est le pulsionnel, l’émotionnel,
l’affectuel, toutes choses dont la composante érotique est on ne peut
plus évidente. Ainsi face aux languissantes, et quelque peu sommaires,
théories socialesdiagnostiquantunecachexiegalopante :morosité,déca-
dence, ennui, déclin et autres qualificatifs catastrophistes, il convient
de rappeler que l’on assiste à de multiples expériences existentielles
s’enracinant dans le (re)nouveau de la passion, du désir et divers affects
de la même eau, dynamisant ce qui est, toujours et à nouveau, ancien
et fort jeune : l’éternel vivre-ensemble.
Un tel
« mutualisme » de la bienveillance
est cela même qui constitue
l’économie d’ensemble des échanges humains, son « relationnisme »
structurel. Sagesse spécifique : écosophie, reposant sur l’interaction
permanente de la raison et du sensible. Mise en perspective que l’on
voit perdurer dans des termes tels quemutualité, coopératif, solidarité,
toutes choses traduisant une relation durable, voire une symbiose entre
des entités tout à la fois différentes et complémentaires. Il s’agit là de
la « santé naturelle » de toute socialité. Socialité profonde qui, tout
en étant cachée (on pourrait dire secrète, discrète) n’en constitue pas
moins, sur la longue durée, la culture de tout être-ensemble. En son sens
simple, le terreau, la bonne terre où celui-ci peut naître et se développer.
Un enracinement dynamique en quelque sorte.
Dynamique qui va s’exprimer dans un vivre-ensemble spécifique :
celui de la « mystique » où tout un chacun n’est qu’un élément d’un
ensemble qui tout à la fois le dépasse et lui donne sens. C’est le
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