Cahier numéro 1 - page 23

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l’individu. Celle-ci fait sens au niveaumoral comme au niveau pratique :
plusmes libertés individuelles sont grandes, plusmes capacités d’agir le
sont également, et plusmon devoir d’altruité est élevé. Ainsi se trouvent
jetées les bases d’une
théorie de la responsabilité individuelle
. Celle-ci
ne peut être mise en œuvre que si l’individu évalue par lui-même ses
propres libertés et son devoir d’altruité. C’est un point capital sur lequel
je reviendrai dans la deuxième partie de cet article.
Cette conception de la responsabilité individuelle a de nombreuses
conséquences. En particulier, elle peut être élargie à l’échelle d’ungroupe
social de n’importe quelle taille, pour autant que celui-ci revendique
la liberté, puisque cette prétention entraîne un devoir d’altruité. C’est
ainsi qu’à l’échelle d’une nation, on peut concevoir la définition d’un
devoir national d’altruité qui s’exerce, notamment en direction des
plus déshérités, tout autant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Il est
alors dirigé vers d’autres nations plus pauvres, et vers les pauvres que
d’autres nations hébergent.
Altruité, générosité et don réciproque
À l’échelle de l’individu, l’introduction de l’idée d’altruité permet de
clarifier deux points importants. Tout d’abord, l’altruité est radicalement
différente de la générosité. Cette dernière fait appel au cœur au moins
autant qu’à la raison, dont l’altruité se réclame de façon exclusive. De
plus, la générosité fait partie de l’espace des libertés. En effet, j’ai toute
latitude d’être ou ne pas être généreux, et je peux de surcroît décider de
l’affectation de mon don, en choisissant, par exemple, de soutenir les
arts plutôt que d’aider les pauvres. À l’inverse, l’altruité est un devoir qui
s’impose à moi de façon rationnelle dans un cadre moral défini. Celui-ci
est laïc en ce sens qu’il ne fait appel à aucune puissance transcendante
mais il est compatible avec la plupart des morales religieuses. Altruité
et générosité appartiennent donc à des catégories distinctes. Cela ne
les empêche pas d’être complémentaires et, s’agissant du traitement de
la pauvreté, d’avoir vocation à s’additionner. Néanmoins, la distinction
entre les deux amène à poser clairement la question suivante : la géné-
rosité suffit-elle à résoudre le problème de la pauvreté ? L’ensemble
de l’expérience historique fournit une réponse tranchée : c’est non.
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