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est alors à penser de façon dynamique. Elle n’est pas figée dans un cadre
préalable. Elle devient aussi plus réaliste puisque les parties prenantes
ont pris la mesure de leurs obligations et de leurs capacités d’action.
Cette conception de la justice est donc fondée sur une méthode
. Elle
n’a pas de contenu normatif. Elle ne prescrit pas d’institutions idéales.
Elle ne fait pas la promotion d’une égalité parfaite entre les hommes. À
l’inverse, elle propose un système probable de réduction des injustices
et des inégalités, dans un mode pragmatique, fondé sur l’analyse de
situations de fait. Cela n’implique aucunement l’abandon d’idéaux
universels, mais bien au contraire, fournit un moyen de s’en approcher.
Ainsi se trouve établi, par l’intermédiaire de l’altruité, un lien logique
entre l’idée de liberté et celle de justice sociale : le droit à la liberté
implique un devoir d’altruité, et l’exercice de ce dernier contribue à
l’amélioration de la justice sociale. Cette trame est d’une importance
capitale parce qu’elle conduit à mettre en question les philosophies
politiques libérales.
Une remise en question du libéralisme
Les philosophies politiques qui se réclament du libéralisme respectent-
elles ce lien entre liberté et justice sociale ? Toutes mettent en exergue
l’idée de liberté. Pour autant, le terme de libéralisme est porteur de
plusieurs significations, qui ont des conséquences économiques et
sociales très différentes, bien mises en lumière par la crise financière
de 2007-2008
(4)
. Pour simplifier, à un extrême, se trouve l’ultralibéra-
lisme : le moins d’État et le moins d’impôts possible, tous deux étant
compris comme empiétant sur la liberté des citoyens. Pour corollaire,
une assistance sociale publique limitée, à laquelle la générosité des
citoyens peut éventuellement suppléer. À un autre extrême, l’État-
providence avec des services sociaux très développés, abondés
comme il se doit par des impôts élevés
(5)
. À l’expérience, les problèmes
(4) Stiglitz J.
Le Triomphe de la cupidité
, Mazamet, Babel, 2010. Supiot, A.
L’Esprit
de Philadelphie. La justice sociale face au marché total
, Paris, Le Seuil, 2010.
(5) Rosanvallon P.
La nouvelle question sociale. Repenser l’État-providence
. Le
Seuil 1995, Points Essais, 1998.