Cahier numéro 1 - page 34

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Il est en France un lieu où tout le monde est le bienvenu, où coexistent
pacifiquement toutes les générations. Économiquement accessible
à tous, il ouvre tôt le matin et accueille son public jusqu’à des heures
tardives même dans les quartiers difficiles. S’y croisent des personnes
âgées, des SDF qui font une pause entre deux longues stations dans
le froid, des femmes qui entrent pour se protéger d’un harceleur
importun, des jeunes issus de quartiers défavorisés, des cadres avant
leur journée de travail, des familles qui souhaitent offrir un petit plaisir
à leurs enfants...
Ce lieu, quel est-il ? L’école ? Les points d’accueil Pôle emploi ? L’hôpital ?
Les centres d’animation ? Lamairie ? Non. C’est McDonald. Cette chaîne
de fast-food que beaucoup perçoivent et dénoncent comme le symbole
de l’impérialisme culturel américain et d’un libéralisme sans foi ni loi
incarne pourtant, dans le paysage urbain, un lieu de mixité généra-
tionnelle et sociale remarquable, au climat particulièrement paisible,
ouvert, accueillant à l’égard de tous.
Si je me permets cette introduction quelque peu provocante, c’est
simplement pour souligner qu’il y a là le symptôme d’une crise : un tel
climat ne se rencontre que trop rarement dans les grandes institutions
républicaines. Qu’on trouve en revanche ce climat dans un lieu de
restauration à bas prix dont la vocation est purement commerciale,
c’est le signe d’un échec : la façon dont nous concevons le social est
probablement trop empreinte de dogmatisme ; nous manquons sans
doute de pragmatisme, de savoir-faire, d’adaptation au réel : sinon,
pourquoi McDonald y arriverait, et pas les institutions de la République ?
Animé de ce souci de pragmatisme, et convaincu que notre vision du
social et de son organisation doivent être revues, j’aborderai un des
maux les plus critiques du vivre-ensemble aujourd’hui : comment
désenclaver les personnes âgées de cette zone grise où le monde
social les relègue ? Comment, concrètement, retisser le lien entre les
générations, prévenir l’exclusion des plus âgés, exclusion dont
l’ensemble du corps social souffre ? Cette question suppose un
préalable méthodologique et pratique : comment désenclaver la
solidarité ? Comment la faire sortir de l’étroite zone d’action où elle se
trouve aujourd’hui cantonnée – reposant sur quelques infrastructures
solides, mais surtout sur la bonne volonté des bénévoles et la charité
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