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Favoriser la liberté
Souvent, dans une relation de bénévolat « traditionnelle », les béné-
voles se voient attribuer des personnes à aider sans que ni les uns ni
les autres soient consultés sur leurs préférences. Les bénévoles sont
censés leur apporter un certain type d’aide ou de soins, prédéfini dans
leur nature et leur fréquence. Enfin, ils sont censés le faire dans un
esprit de don, de gratuité. Mon pari est que ces conditions ne favorisent
pas la restauration du tissu empathique, donc de liens de solidarité
authentiques et gratifiants.
Sur la plateforme qui a fait l’objet de l’expérimentation ici décrite, on voit
des voisins âgés et moins âgés partager des sorties, des marches, des
conversations… D’autres dînent ensemble ou se rencontrent avec leurs
enfants, en famille. D’autres s’appellent mutuellement au téléphone,
plusieurs fois par semaine. Certaines personnes âgées ne souhaitaient
pas accueillir de voisins chez eux et fuyaient le contact, mais étaient
comblées d’avoir trouvé quelqu’un avec qui entretenir une correspon-
dance écrite. On a vu un groupe de jeunes étudiants emmener avec eux
un vieux monsieur en fauteuil roulant pour partager leurs vacances au
bord de la mer. On en a vu qui se disputaient et se réconciliaient. On a
vu, enfin, des voisins se mettre en quatre pour accomplir les dernières
volontés de leur nouvel ami et l’accompagner jusqu’au bout.
Sur la base de ces observations, quels enseignements de diagnostic
pouvons-nous tirer sur les causes des dysfonctionnements de la
solidarité ? Pourquoi le vivre-ensemble est-il en crise ? Pourquoi les
personnes âgées sont-elles trop souvent exclues ?
L’exclusion des personnes âgées et son impact
social
Cette expérimentation m’a ouvert les yeux sur ce qui m’apparaît
aujourd’hui comme une évidence étrangement méconnue : les aînés
d’une société sont les garants de sa solidarité. Autrement dit, ce n’est
pas
parce que
la solidarité est en crise que les plus âgés sont relégués
hors du champ social. C’est plus probablement
parce que
l’on relègue
les plus âgés d’entre nous que l’on met aussitôt la solidarité en crise,