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acteurs des métiers de la solidarité, une formidable créativité pourrait
s’emparer du secteur et revitaliser l’envie, le besoin et la conscience
des avantages profonds que nous avons à « vivre-ensemble » et à
remutualiser de nombreuses dimensions de la vie sociale aujourd’hui
en passe de basculer, partiellement ou complètement, dans la sphère
privée – avec les inégalités sociales inévitablement induites -, qu’il
s’agisse de la garde des enfants en bas âge, de l’éducation scolaire,
des maisons de retraite ou de l’accompagnement et de la formation
professionnelle.
Mais à l’inverse, si les institutions, à force de ne pas prendre en charge
avec rationalité et créativité la question de leur impact et de leur coût
social, perdent l’adhésion et la foi des citoyens en elles, alors il sera
toujours plus difficile et plus coûteux demaintenir une solidarité vivante.
Car pour stimuler une dynamique solidaire, il ne suffira jamais de payer
des impôts et des cotisations sociales : la capacité des institutions à
inventer une société meilleure est un ingrédient indispensable. Sans
cela, chacun se retrouve à s’adapter, comme il peut, à un système qui
le contraint et dont il profite à titre individuel, et chacun est renvoyé à
sa solitude. L’envie de « vivre-ensemble » se cultive. C’est elle seule
qui assure le succès des économies solidaires, où contrairement aux
économies de marché, donner et recevoir sont les deux faces, presque
indistinctes, d’une même médaille.
Nathan Stern
Sociologue et entrepreneur social
Sarah Hirschmuller
Normalienne et ex-agrégée de lettres modernes,
elle est aujourd’hui traductrice, auteur-compositeur
et interprète sous le nom de « Ma Sarah ».