Cahier numéro 1 - page 41

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La succession rapide des pertes associées au vieillissement aggrave ce
problème. En quelques années, on perd son rôle de parent – les enfants
quittent le foyer –, puis son rôle dans le monde du travail et sa fonction
sociale. Parfois, on perd aussi son conjoint. Bien rapidement, onn’est plus
un homme de son temps, on devient un vieux, une vieille. Pour peu que
l’on perde un peu ses facultés auditives ou visuelles, comment garder
sa vitalité et sa capacité à donner ? Ces deuils successifs s’empilent
sur les épaules d’une personne fragilisée par un premier deuil social,
parfois violent et traumatique : la retraite.
Prenons un peu de recul et osons supposer qu’il y a là quelque chose
d’un cercle vicieux : on paie des personnes pour qu’elles cessent de
travailler. Elles ne sont plus économiquement productives. Leur retraite
augmente le coût du travail, et la société porte ce coût. Autrement dit, on
les exclut dumonde professionnel, c’est coûteux, puis on tente diverses
solutions, toutes plus coûteuses les unes que les autres, pour prévenir
ou remédier à leur exclusion et en soigner les méfaits. Imagine-t-on
vraiment qu’on puisse créer plus de valeur en obligeant certains parmi
nous à ne pas en créer ?
La retraite obligatoire me semble donc être une cause de détresse
sociale qui coûte très cher et qui fait beaucoup de dégâts. Déliant les
personnes âgées du corps social, elle prive la société des forces de
cohésion et de solidarité qu’elles sont les seules à détenir, tout comme
l’architecte seul détient les plans et le secret de l’équilibre de la maison
qu’il a construite.
C’est l’exigence d’autrui, son besoin de nous, son attente et sa demande,
qui nous empêchent de nous endormir. C’est également sa gratitude
qui nous donne de la fierté, du plaisir à vivre, du sens. Les personnes
âgées ont besoin qu’on ait besoin d’elles, et qu’on les remercie pour ce
qu’elles nous donnent.
Permettre à chacun de donner tout ce qu’il peut, tout ce qu’il a à donner,
c’est la clé d’un cercle vertueux de solidarité. Comment réamorcer ce
processus ?
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