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des donateurs ? Comment faire en sorte que la société se remette, selon
sa vocation première, à fabriquer du lien, à offrir au besoin de solidarité
un cadre qui en favorise l’expression naturelle et spontanée ?
Afin de traiter ces deux questions, je souhaite premièrement présenter
les principes que j’ai testés au cours d’une expérimentationmenée pour
le compte d’une association de soutien aux personnes âgées isolées.
Il s’agit d’un projet visant àmettre en relation des personnes âgées avec
leurs voisins, à travers une plateforme web dédiée. J’ai tiré de cette
expérimentation des enseignements que j’exposerai dans un second
temps. Pour finir, je présenterai quelques pistes et recommandations
pour une prise en charge plus créative et plus efficace de l’action sociale
dans tous les domaines du vivre-ensemble.
Les concepts-clés d’un dispositif expérimental
voué à retisser le lien entre des personnes
âgées isolées et leurs voisins
Ancien bénévole dans diverses associations, très concerné par le sort
des plus âgés, qui finissent parfois leur vie dans un isolement que nous
sommes nombreux à trouver insupportable, j’ai conçu en 2009, pour le
compte d’une association, une plateforme internet vouée à retisser le
lien entre les personnes âgées et leurs proches voisins. Dans lemoindre
détail, je me suis attaché à répondre
pragmatiquement
à la question :
pourquoi ce lien est-il fragilisé, voire détruit ? Comment le retisser
efficacement et durablement ? Où sont les vrais obstacles, les entraves
invisibles qui empêchent ce processus qui devrait être naturel ? À quoi
faut-il renoncer, que faut-il inventer ?
Sortir du champ de la morale
Première entrave : la morale. L’idée que s’occuper des personnes âgées
constituerait une obligation morale a de nombreux effets pervers.
J’en suis venu à considérer cette idée comme une entrave majeure à
l’expression de notre solidarité et de notre empathie naturelles.
Dire qu’il s’agit d’une obligationmorale, ou d’une bonne action, celamet
l’accent à tort sur la valeur de l’action – faire « le bien » et non sur son
effet attendu : faire
du
bien. Or
se
faire du bien est une des dimensions