Cahier numéro 1 - page 37

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être des visites, des conversations téléphoniques, de simples cartes
postales envoyées pendant les vacances, ou exclusivement des coups
demain ponctuels pour régler des problèmesmatériels. Si un voisin doit
momentanément ou durablement s’absenter, il le peut sans souci car
la plateforme facilite et encourage la communication entre voisins, de
sorte que d’autres voisins puissent prendre le relais.
- dans le respect des affinités
On n’attribue pas arbitrairement la responsabilité de tel voisin âgé à tel
« bénévole ». Ce sont les personnes qui se choisissent entre elles,
en fonction de leurs affinités, lesquelles sont souvent mystérieuses
et imprévisibles.
- sans la moindre dimension de « corvée »
Pas de réunions, de permanences, d’engagement à dimension
obligatoire : ce que chacun donne, dans ces relations, est fonction de ce
que chacun aime et veut donner – et bien sûr, fonction de ce qu’il reçoit.
Autrement dit, les liens de solidarité sont conçus comme des projets
open source
: ce qu’un voisin ne sait ou ne veut pas faire, un autre le
fera, la solidarité se fondant non sur des efforts individuels parfois
coûteux, mais sur une effervescence de solidarité collective autour
des personnes isolées, chacun contribuant selon un format qu’il définit
lui-même et qu’on ne lui impose en aucun cas.
S’affranchir de la culture religieuse de la charité
L’idée que la solidarité vis-à-vis des plus démunis relèverait d’un devoir
religieux a aussi des effets pervers. Elle induit une focalisation sur la
souffrance, un soupçon porté sur le plaisir – alors qu’il y a beaucoup
de plaisir, potentiellement, dans ces relations de voisinage où chacun
se sent utile et soutenu. Le mot d’ordre pourrait être : nous sommes
tous
démunis de quelque chose, et la solidarité n’est pas affaire de
don
– des nantis vers les démunis. Elle est un état de santé du corps
social qu’il faut soigner et protéger comme tel, car il induit des cercles
vertueux de solidarité où nul n’est en position exclusive de donner
ou de recevoir, où il va de soi que tout le monde joue les deux rôles.
Par ailleurs, l’idée que la charité doit être coûteuse, qu’il faut sacrifier
quelque chose de soi-même – de son temps, de sa personne, de son
argent – pour venir en aide à autrui, est également un frein puissant à
la solidarité naturelle. En réalité, une vision du monde où il faut aider
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