et la coopération entre acteurs sont apparus et se développent dans le
monde entier, à l’exemple des «MobileMonday»ou des «Open Coffee».
Cependant, il nous semble que ces espaces collectifs projettent bien
quelques-unes des propriétés centrales du modèle de coopération qui
émerge dans cet univers. En premier lieu, parce qu’ils sont ouverts à des
acteurs très hétérogènes non seulement par la taille des entreprises,
individuelles, très petites ou très grosses, qui s’y rencontrent, mais
surtout par la diversité des compétences qui y échangent : informati-
ciens, marketeurs, sociologues, militants associatifs, pouvoirs publics,
etc. En second lieu, parce qu’un peu à l’image des sites du web 2.0, ils
constituent des espaces proliférants dans lesquels la multiplicité
des rencontres, des intuitions, des idées, des projets incertains, sans
lendemain ou riches d’avenir, des échanges ésotériques, bavards ou
influents, constituent une sorte de toile de fond indispensable pour
donner le sentiment auxacteurs de fairepartie, aussi différents soient-ils,
d’une même communauté. En troisième lieu,parce que la découverte de
la coopération, qui permettra la création d’une application originale, se
fait le plus souvent sans plan préétabli, grâce à la « sérendipité », cette
faculté de bénéficier du heureux hasard. Un modèle de coopération qui
a besoin d’espaces de coopération ouverte pour pouvoir se développer
mais qui a tout autant besoin de la participation massive d’utilisateurs
qui sont dans la plupart des cas des services et applications du web 2.0,
les principaux pourvoyeurs d’informations et de contenus. La poursuite
et la pérennité de ce modèle d’innovation dépendent pour beaucoup de
l’appétence des utilisateurs à remplir des profils dans des sites relation-
nels, à poster leurs photos ou vidéos, à réagir aux blogs ou contribuer à
des œuvres collectives telles que Wikipédia.
Nous nous sommes penchés sur les cadres qui permettent l’innovation
dans le web 2.0 et nous avons identifié un nouveau lieu de travail, le
« troisième lieu » qui n’est ni le bureau traditionnel dans le cadre de
l’entreprise ni le domicile où peut travailler le travailleur indépendant
ou le salarié qui bénéficie du « télétravail ». Ce troisième lieu est né
du besoin de coopération et d’échanges des développeurs et plus
généralement des travailleurs de la connaissance, mais il peut aussi
s’avérer adaptable à d’autres publics. Les transformations du travail
initiées dans les années 1980 avec la remise en cause du modèle de la
grande entreprise intégrée se sont accélérées avec le développement
de sous-traitance et la délocalisation de nombreuses activités, ce qui a
multiplié le nombre des travailleurs indépendants ou ayant des statuts
atypiques. Ces évolutions, combinées avec la volonté des entreprises de
réduire les coûts de leurs sièges et les aspirations de nombreux salariés
à éviter les temps et coûts de transports entre leurs domiciles et leurs
lieux de travail, ont conduit au développement du télétravail ou du
travail à domicile. Une solution qui produit de nombreux effets pervers
– isolement, difficulté à séparer vie privée et vie professionnelle – ce qui
explique l’essor de nouveaux cadres comme les
coworking
ou troisièmes
lieux. Aujourd’hui ce mouvement est encore très minoritaire, mais il se
développe rapidement avec le soutien d’entreprises et de collectivités !
Christophe Aguiton
Chercheur en sciences sociales
au Orange Labs
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