Cahier numéro 10 - page 42-43

milliers qui méritent d’être connus. Pas forcément d’être célèbres, mais
d’exister en tant qu’artistes. C’était cela, notre motivation.
Très vite, au-delà des musiciens et des cinéastes, nous nous sommes
aperçus que cela s’appliquait à tout, sans exception, et nous sommes
en train de décliner notre idée première. Nous avons gardé KKBB volon-
tairement pour les milieux artistiques et culturels, et nous avons monté
HelloMerci pour le milieu des micro-entrepreneurs. Nous avons créé
une troisième plateforme qui sortira début 2015 pour permettre aux
gens d’investir dans des entreprises soit sous forme d’actions, soit sous
forme de prêts rémunérés. Nous aurons ainsi une ligne d’outils qui nous
permettront de répondre à toutes les formes de créativité. En partant
d’une logique de contre-culture principalement artistique, nous sommes
en train de fournir des outils à tous les créatifs du monde, à tous les
créateurs en tout genre.
Nous ne l’avions pas perçu à l’époque, mais notre plus grande joie
aujourd’hui, en vivant avec ces outils, c’est que, contrairement à ce qu’on
pense, l’argent n’a quasiment aucune importance sur nos plateformes.
Quand on demande à un créateur de projet de raconter sa collecte et son
expérience, il ne parlera pas des 5 000 euros qu’il a collectés, il n’en par-
lera qu’à la fin. Il parlera d’abord du plaisir qu’il a eu à sortir son idée du
carton et à la rendre visible, que ce soit un artiste ou un entrepreneur ;
du plaisir qu’il a eu à voir sa communauté venir le soutenir ; le déplaisir
de voir les membres de sa famille les plus « riches » ne pas l’aider, par
principe, par peur ou par malveillance ; il a aussi vu que, finalement, les
voisins avec lesquels ils ne parlaient jamais étaient des gens qui pouvaient
également soutenir son projet ; il a vu que, parfois, son objectif
pouvait être largement dépassé et que cela lui donnait d’autres
ouvertures. En clair, ce que les gens expliquent lorsqu’ils font une
campagne de financement participatif, c’est la série de liens sociaux qui
ont été créés sur le web ou dans la vraie vie grâce à sa collecte. À la fin,
évidemment, vient la question de l’argent collecté et du fait de pouvoir
démarrer le projet.
Dans la quasi-totalité des pans de l’économie collaborative, contraire-
ment à ce que l’on pense, même si l’argent est souvent lemoteur puisque
sont créées des sources de revenus potentielles, ce qui est généré sur
nos plateformes, c’est d’abord une énorme dose de confiance en soi par-
tagée, parce que si, aujourd’hui, je finance votre projet, cela veut dire
que demain, vous allez pouvoir financer le mien ; que potentiellement,
en dehors des systèmes de financement traditionnels, nous pouvons
financer tout type de projet juste entre nous. Cela libère complètement
la créativité que nous avons tous au fond de nous, cette faculté à la faire
vivre, accoucher de cette créativité, car tant qu’elle reste dans notre
imagination, elle reste assez peu fertile et peu concrète. Le deuxième
point, c’est cette confiance en soi qui, quand elle est virale et se propage
dans la vraie vie
via
les réseaux sociaux, crée une sorte d’ambiance de
positivisme aigu : d’un seul coup, on ne voit plus le monde par le prisme
de la morosité ambiante et de la crise – qui dure depuis quarante ans, et
pour moi, une crise qui dure depuis quarante ans, ce n’est pas une crise,
c’est simplement un système qui ne marche plus et qu’il faut changer
de fond en comble. À partir du moment où ce positivisme se viralise,
les gens voient le monde différemment, une énorme dose d’optimisme
arrive et les gens veulent entrer dans un paradigme complètement
nouveau, qui est celui de l’économie collaborative.
Notre modèle économique ?
Comme toutes les places de marché, nous
prenons une commission sur chaque opération. Notre modèle est tout
petit, nous fonctionnons à 8%TTC sur tous les volumes collectés, il faut
donc collecter desmillions et desmillions d’euros avant d’être rentables,
mais nous avons la chance d’être leaders européens avec notre première
plateforme, la deuxième apporte de l’eau à notre moulin, la troisième
le fera aussi. Nous ne serons jamais Google, mais nous sommes déjà à
flot et nous sommes de vrais entrepreneurs. Nous n’entrons pas dans
l’économie sociale et solidaire. Les médias nous appellent souvent
aujourd’hui « labanquede l’économie collaborative». Nous nous trouvons
très bien dans cette famille. Notre ambition est de faire une belle boîte,
rentable, mais « cool ».
Vincent Ricordeau
Président de KissKissBankBank
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