Cahier numéro 10 - page 38-39

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Le financement participatif est un marché neuf qui a six ou sept ans.
Il s’agit de plateformes sur le Net permettant de financer des projets
d’autrui, des projets soit artistiques, culturels, innovants, soit des pro-
jets d’entreprises. Sur nos plateformes, il est possible de donner pour
un projet artistique, d’investir dans une start-up sous forme de prêt ou
sous forme d’actions, on peut prêter de l’argent avec ou sans intérêt à
des entreprises ou à des individus. Cela couvre à peu près tous les liens
que l’on peut créer entre des individus ou entre la société civile et des
entreprises. Je fais un peu de prospective, parce que sur l’intégralité des
moyens que je viens de décrire, certains sont encore un peu contrôlés,
annihilés actuellement par la réglementation, notamment bancaire,
mais la situation vient de se débloquer puisque, depuis le 31 mai
2014, une ordonnance est passée qui va nous permettre de passer
de plateformes qui, majoritairement aujourd’hui, financent des projets
artistiques ou culturels à des plateformes qui permettront de financer
demain des projets d’entreprise. Sur une plateforme de financement
participatif, on est soit un micro-mécène, soit un micro-investisseur, et
on peut choisir, à partir de maintenant, de soutenir un chanteur, un chef
d’entreprise, etc. Cela couvre donc à peu près l’intégralité des pans de la
créativité humaine, comme artiste ou comme entrepreneur.
KissKissBankBank (KKBB) a deux plateformes, une qui s’appelle Kiss-
KissBankBank, dédiée majoritairement aux artistes, aux créateurs, aux
innovateurs et une seconde qui s’appelle HelloMerci et sur laquelle on
peut venir soutenir demicro-entrepreneurs (prêt pour de petits projets).
KKBB fonctionne avec un système de don et de contre-don
: vous
donnez par exemple 50 euros à un metteur en scène de théâtre et, en
contrepartie, il vous invitera à la première de sa pièce et vous dédicacera
le script ou les dialogues.
HelloMerci fonctionne avec des prêts
. C’est
une plateforme sur laquelle on peut prêter à une jeune femme qui veut
monter une crèche dans le quartier et qui a besoin de 10 000 euros pour
se lancer, ou à un pizzaïolo qui a besoin de remplacer son four et à qui
vous allez prêter 100 euros pour qu’il puisse le faire. On est vraiment
dans une logique de solidarité et ces deux plateformes marchent très
bien. KKBB a collecté à peu près 18 millions d’euros depuis l’ouverture
et HelloMerci, que nous venons de lancer, a déjà dépassé 500 000 euros
en à peine un an. KKBB est le leader européen dans son domaine.
Si l’on regarde en arrière, en 2006-2007, une ou deux plateformes se
lançaient dans le monde. Nous sommes arrivés sur la logique du don /
contre-don comme un des premiers mondiaux en 2009, il y a cinq ans.
À ce moment-là, il y avait au total dix plateformes dans le monde,
aujourd’hui il y en a plus de 2 000. Plus de 6 milliards de dollars ont
transité sur ces plateformes en 2013.
On estime que le marché mondial
fera 10 milliards en 2014 et le magazine
Forbes
pense qu’il dépassera
les 1 000 milliards de dollars en 2020 !
Finies les rumeurs d’utopie, finie l’époque où on nous prenait pour des
héritiers de la génération soixante-huitarde, où l’on disait que nous
allions proposer des modèles où les gens allaient pouvoir se débrouiller
entre eux à une petite échelle. Aujourd’hui, nous sommes complètement
sortis de ce cadre-là. Nous produisons tous les jours des milliers et des
milliers de projets dans tous les pays du monde et toutes catégories
confondues – projets artistiques, projets innovants, scientifiques, huma-
nitaires et entrepreneuriaux. Nous sommes vraiment dans une phase
d’explosion.
KKBB connaît 300 % de croissance par an depuis l’ouver-
ture
: nous sommes passés de 100 000 euros collectés la première
année à 8 millions d’euros en 2013. Ce sera 15 ou 16 millions d’euros
en 2014. La croissance a été de 300 % les quatre premières années
et passera à 200 % la cinquième année. C’est un phénomène en plein
boom. On a déjà presque atteint
50 millions d’euros collectés en France
en 2013 toutes plateformes confondues
, ce qui est à peu près le même
montant que ce que les
business angels
ont investi dans l’économie.
C’est un marché très immature en termes d’âge, mais, en termes de
structures et de volumes, c’est déjà très important.
Évidemment, face à ce phénomène de finance alternative entre
individus, un peu à l’instar de Hubber qui se confronte à l’industrie
des taxis, de Airbnb qui se confronte à Accor ou à l’industrie hôtelière
traditionnelle, s’est posée pour nous la question de savoir si la finance
entière n’allait pas se trouver siphonnée par les plateformes de finan-
cement participatif. La presse nous oppose beaucoup aux banques
ces derniers temps. Dans les négociations avec le gouvernement sur
la réglementation de notre marché
, nous avons rencontré deux lobbys
très forts avec lesquels nous avons eu beaucoup demal à avancer, mais,
finalement, ils se sont entendus pour arriver à une ordonnance qui nous
permet de développer notre métier : ce sont la Fédération des banques
d’un côté, les associations de consommateurs de l’autre. Malgré tout,
après un an de négociation, nous sommes parvenus à établir un cadre
réglementaire, qui vient de paraître le 31 mai 2014. Cela va permettre
à nos plateformes d’avoir un vrai label d’intermédiaire en financement
participatif. Nous allons pouvoir entrer dans une case – même si je
n’aime pas trop les cases –, c’est le passage obligé pour être reconnu et
compris dans la société, surtout en France. Nous allons mettre enfin la
finance alternative et le financement participatif dans des cases très
identifiées !
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