Cahier numéro 12 - page 14

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du tiers-lieu. Il est intéressant de noter que dans la très grande majorité
des études que nous avons menées, la proportion de retraités et / ou de
chercheurs d’emploi intéressés par le projet de tiers-lieu du territoire
était en moyenne de 20 %.
À titre d’exemple, à l’issue d’un diagnostic détaillé de son territoire,
le Conseil général de la Sarthe a décidé d’orienter sa réflexion sur les
tiers-lieux vers la maîtrise des usages du numérique sur son territoire.
La dimension « télétravail » a alors pris une importance moindre par
rapport à ce que nous avions initialement envisagé… mais cela nous a
permis de co-construire une stratégie orientée vers le développement
de réseaux et résolument tournée vers la recherche d’un développe-
ment s’appuyant sur les forces économiques du département et l’inclu-
sion sociale via le numérique. L’objectif devient alors d’accompagner les
acteurs dans leur transition numérique, avec des modèles adaptables
aux contextes de territoires ruraux hétérogènes. Tout au long du
processus, l’enjeu central n’a pourtant jamais cessé d’être de permettre
le développement de nouvelles formes de travail, plus collaboratives et
plus locales.
Les modalités de soutien public à l’émergence
de tiers-lieux
« Le secteur public est aujourd’hui l’acteur de plus décisif
dans le développement et la formation d’une société en réseaux. »
Malgré l’incertitude soulignée par Fasshauer et Garcin
19
relative à la
capacité (notamment juridique) des administrations à investir le secteur
des tiers-lieux, force est de constater que la croissance exponentielle du
nombre de tiers-lieux observée au cours des cinq dernières années a été
en grande partie portée par l’initiative publique. L’essence du tiers-lieu,
c’est sa dimension locale – ce qui constitue un argument solide en faveur
de la légitimité des collectivités territoriales dans leurs stratégies de
soutien. La question soulevée par ces deux auteurs quant à l’échelon
administratif le plus pertinent nous parait essentielle, et l’expérience de
nos deux cabinets de conseil permet d’apporter une première réponse.
Au niveau des communes et des EPCI – particulièrement enmilieu rural –
le soutienou leportaged’unprojet de tiers-lieupar la collectivitéest dans
beaucoup de cas une nécessité. La première raison est qu’à court terme,
les modèles économiques de ces lieux sont particulièrement difficiles à
équilibrer dans le cadre de l’approche conventionnelle du « télécentre
». Au-delà du financement des investissements nécessaires, c’est aussi
très souvent une partie des coûts d’exploitation qui doit être prise en
charge par des subventions publiques. Les exceptions les plus notoires
à cette règle permettent d’expliquer la seconde raison. En effet, l’obser-
vation du cas du télécentre de Boitron ou de l’espace de
coworking
de
Pommerol (l’Arrêt Minute) permet d’identifier le principal facteur clé de
viabilité d’un projet de tiers-lieu rural : le tissage d’un réseau de solida-
rités au sein de la communauté locale. Dans cette optique, un soutien
de la collectivité dans la mise en réseau des parties prenantes devient
un élément indispensable au succès du tiers-lieu. L’apport le plus subs-
tantiel qu’une collectivité locale puisse réaliser dans le cadre d’un tel
projet n’est donc pas de nature budgétaire, mais bien plutôt un apport
immatériel de fédération des acteurs locaux et d’animation du territoire.
Comment rassembler des acteurs aussi divers que des entrepreneurs,
des employeurs, des associations, des acteurs publics et des citoyens
de tous bords autour d’un tel projet ? Il semblerait que la recherche d’une
réponse collective à des enjeux locaux partagés (emploi, formation,
dynamisation du tourisme, accès à la culture, etc.) soit la solution la plus
pertinente. Nos échanges avec les collectivités pointent souvent une
tension entre cette approche et la culture administrative actuelle, ce qui
peut contribuer à expliquer le fait que les deux exemples réussis que
nous avons cités sont de fait portés par des acteurs privés.
Au niveau des départements et des régions, l’analyse des flux de dépla-
cements sur le territoire devient plus lisible. La mise enœuvre d’actions
de sensibilisation des employeurs au développement de nouvelles
organisations du travail (dont le télétravail) devient pertinente. L’enjeu
devient alors de fédérer les divers projets et de mailler le territoire en
tiers-lieux, notamment afind’encourager ledéveloppement du télétravail
et de parvenir à mieux gérer les mobilités.
Le Département peut notamment jouer un rôle favorable au déploiement
des tiers-lieux sur son territoire. Il possède généralement les outils
adéquats : les fonds (subventions via appel à projets), les lieux (mise à
disposition de lots immobiliers vacants), la connaissance du territoire,
la visibilité nécessaire au déploiement d’actions marketing de grande
envergure ou la capacité à fédérer les acteurs locaux (mise en place
d’un réseau, standardisation de l’offre pour offrir aux usagers une expé-
(19) Fasshauer I. & Laurent G. (2014),
Construire l’évaluation d’un réseau de tiers-
lieux : le cas du dispositif Initiatives Télécentres
, actes de la XXIII
e
conférence
annuelle de l’Association Internationale de Management Stratégique, STAIMS 2 :
Tiers-lieux : les nouveaux lieux de l’innovation ?
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